Pierre Christin
naît à Saint-Mandé en 1938.
Etudiant à la Sorbonne, passionné par les "Détective" pourfendeurs de l'ordre
établi d'avant-guerre ou par les couvertures illustrées de "Radar" le journal
qui était là !", il soutient une thèse de doctorat sur "Le Fait divers",
littérature du pauvre.
A Sciences-Po, il laisse des traces en tant que pianiste de jazz...
Entre divers travaux de journalisme, traduction et publicité, il
part pour les Etats-Unis dans les années 60 et s'emballe pour ce pays qui voit
l'apogée du jazz et la naissance du rock. (Il l'aime moins aujourd'hui : les
rapports humains y sont devenus beaucoup trop coriaces à son goût.)
En 1967, il signe avec Mézières la première aventure de
Valérian, sans présumer un instant la future longévité de son héros. La même
année, apprenant la création à Bordeaux d'un département avec studios de
radio-télé, salle de musique et rotative offset, il pose sa candidature, à tout
hasard. Vingt-cinq ans plus tard, il est toujours l'un des responsables de la
section journalisme qu'il a mise sur pied en 68.
A Pilote, dans les années 70-80, il écrit pour Tardi, Boucq,
Vern, Bilal,
Annie Goetzinger et bien d'autres – une
cinquantaine d'albums à ce jour –, accordant ses différentes convictions et
humeurs au tempérament de chacun. Il réserve son versant optimiste, voire
utopiste, à Mézières dont il apprécie la clarté du trait et l'humour
réjouissant (et puis Valérian est une série et les héros de série ont coutume
de survivre à tous les marasmes, ce qui incite à l'optimisme).
Les sujets plus graves, l'humour plus barbare, il les canalise vers Bilal.
Avec Annie Goetzinger, c'est
une toute autre sensibilité: portraits de femmes, intimisme et chiffons...
Le métier de scénariste lui permet d'explorer ses vocations
restées en friche: bien que beaucoup trop bavard pour l'emploi, il aurait aimé
être espion afin de monter des scénarios en vraie grandeur. Ou alors, officier
de marine. Pour "Lady Polaris", balade dans les ports d'Europe publiée avec
Mézières en 86, il s'embarque sur les cargos pourris de ses rêves les plus
chers. Il aurait aussi aimé être architecte, pour bâtir ces villes qu'il adore –
toutes les villes du monde sauf Clermont-Ferrand, allez savoir pourquoi...
Voyageur patient, il profite des immobilités imposées – attente dans les
aéroports, les hôtels, les gares – pour observer, sniffer, emmagasiner. Il est
capable d'arpenter une ville des journées entières, naviguant au pif, prenant
des photos (invariablement moches) qu'il distribue à ses dessinateurs.
Avec Bilal, il restitue Los Angeles dans "L'Etoile oubliée de
Laurie Bloom" (Autrement) en 84. Dans un roman paru chez Flammarion en
janvier 93, "Rendez-vous en ville", il s'attaque à Paris. (Il est déjà l'auteur
de deux romans, "Les Prédateurs enjolivés" et "Zac" et d'un recueil de
nouvelles, "Le Futur est en marche arrière").
Après avoir écumé l'Amérique et les pays de l'Est à une époque
où ça n'intéressait personne, il fait le tour du monde en 92, chaussé de ses
indestructibles Weston qui, amoureusement astiquées depuis vingt ans, ont vu le
Sahara, le Cap Nord, la Chine, la Pampa et cinq fois le tour de Paris sur les
rails abandonnés de la petite ceinture. ("La Voyageuse de petite ceinture",
Goetzinger 85).
Co-scénariste de "Bunker Palace Hôtel", film réalisé par Bilal
en 89, il est souvent sollicité par la télé et le cinéma mais il continue de
préférer la formidable liberté que lui offrent la BD et le roman. Ecrivain
populaire, qui vit à travers ses personnages et leurs aventures, il expose très
peu son ego, considérant que, pour vivre heureux, il faut vivre beaucoup, mais
caché: il aurait adoré avoir cent vies et presque autant de pseudonymes.